Ne pas confondre emprunt ou citation avec centrebombe-re:composition
« Lorsque nous disons qu'un compositeur “emprunte” une mélodie, une échelle, une technique, etc. à une autre tradition, nous usons d'une métaphore, laquelle risque de se révéler trompeuse. “Si je vous emprunte un crayon, le crayon ne change pas quand votre crayon passe de votre main à la mienne. Mais ce n'est pas le cas en matière ‘d'emprunt’ musical : la mélodie, l'échelle ou la technique changeront de signification en s'insérant dans un nouveau contexte*, même si celui-ci n'influe en rien sur leur identité formelle.” (1) Omettre de tenir compte du changement de sens lié à la décontextualisation, c'est s'égarer sur la signification du “ressourcement”. Un arbre ne devient une ressource » que si on le coupe pour en faire du bois de charpente, un meuble, du papier, etc. ; ou comme dit Marshall McLuhan, « un livre c'est un arbre mort. » Prenons garde, par conséquent, aux « emprunts musicaux » : ils risquent de tuer les musiques « d'emprunts ». » (2)
« [...] Quand une compagnie de bois de charpente détruit des hectares de forêt dans le Kalimatan, la compagnie s'empare des arbres, et l'Indonésie les a perdus. Mais quand un compositeur américain écrit un concerto dans le mode pelog, l'Indonésie n'a rien perdu. Les seuls perdants, c'est nous, dans la mesure où nous nous montrons incapables d'identifier les différences qu'introduit le changement de contexte* entre les “emprunts” américains et les originaux indonésiens. » (1)
Avec le « centrebombe-re:composition » (3), il n'y a pas d'emprunt, mais exactement son contraire : un don. La musique donnée est désidentifiée par le nouvel identifié. Elle est aussi décontextualisée de l'ancien contexte, mais cela ne la détruit pas. C'est une trans-mission d'un modèle vers un autre et pas des copies plus ou moins exactes d'un modèle unique (comme cela se traite dans les conservatoires de musique : de la musique copiée, ou dans la production de disques : de la musique clonée) ou des emprunts qui désidentifient la musique empruntée ou celle qui emprunte. Il n'y a pas uniquement de musique-maître qui enseigne des disciples, mais aussi des disciples qui enseignent le maître. Il n'y a plus de sens unique du temps historique, nécessaire à l'autorité du savoir passé : la trans-mission est à multi-sens et la musique en demeure enrichie.
mathius shadow-sky, 2003
Notes
(1) Marc Perlman cité par Daniel Charles in « Le pêle-mêle de Protée » ou « musique et multiplicité » 1989.
(2) Daniel Charles in « Le pêle-mêle de Protée » ou « musique et multiplicité » 1989.
(3) Le terme « remix » n’est pas approprié : mais c’est un terme qui est compris comme étant : une manipulation de musique enregistrée.
(*) c’est nous qui soulignons.