La métrique n'est pas le rythme

3000 ans de théorie musicale

 

La métrique n'est pas le rythme, ni à la naissance du rythme = la métrique n'est pas le foyer de la naissance du rythme. La mesure est une idée placée par l'idéologie de l'ordre (platonique ? « Platon n'aimait pas la musique, que celle militaire », sic) = pratique de la politique = pour faciliter l’administration des citoyens par la simplification. L'ordre rythmique de la métrique n'est pas le rythme. Ou que sa partie grillée = capturée par la mesure. *

Si le rythme n'est pas métrique, qu'est-ce que le rythme ?

Le sens du rythme s'accède en musique de 2 manières :

1. par la musique audible conduite par la sensibilité (sonnée sonnante)

a. non mesurée = libre (jouer l'audible)
b. mesurée = battue (construire l'audible)

2. par la musique tracée conduite par l'intellect (le calcul tracé)

avec la quantification qui donne la mesure (chiffrée [nombre de clous, pour l'écriture cunéiforme]) de quantités temporelles en suite (mesure du temps) pour être tracées en proportions crues exactes. Le graphisme mesuré donne l'illusion de l'exactitude (de l'entendue). Mais cette exactitude ne fait pas la musique, elle sert la vision de l'architecte. Le compositeur de musique est-ce d'abord un architecte de l'audible ?

Le temps de 1 est celui de l'instant infini, inquantifié. Le temps de 2 est celui de la durée quantifiée. 2 = 1 + 1. 1 = 1. La compréhension du rythme par les philosophes préplatonique, voire présocratique, trouve son sens dans le mot grec d'origine : « rhuthmos ». Rhuthmos désigne : les flux perçus et ses proportions distinguées, nous rappelle Roland Barthes [dans son séminaire « Comment vivre ensemble » en 1977]. Le rythme du rhuthmos est la compréhension sensible et intellectuelle de ce que fait le temps sur la matière. Le rhuthmos n'est pas une abstraction chiffrée. Mais désigne la turbulence permanente (la vie) de la matière gazeuse, liquide et solide.

L'étalonnage métrique est une pratique qui s'oppose [complémentaire ? Non] à la perception proportionnelle. Le calcul proportionnel était l'usage majeur pendant la Grèce antique, utilisé par les peintres, les musiciens et les architectes. Au contraire, l'étalonnage métrique se rapporte à 1 seul intervalle étalon qui mesure (= qui quantifie) tous les autres. Il y a donc (dans sa suite de l'étalon) des proportions ignorées. La métrique suit d'abord la suite des nombres entiers qui est une échelle logarithmique [dont ses intervalles rétrécissent + ses nombres augmentent]. La perception proportionnelle et le calcul proportionnel établissent un équilibre entre les quantités pour s'ajuster ensemble entre elles. [Le « nombre d'or » est une conséquence du calcul proportionnel, crue/voulue proportion parfaite, ou élue et qui contredit l'état d'esprit proportionnel. Pour quoi, il en a fallu qu'une ? Le calcul se pare de l'esthétique pour légitimer sa proportion à élire. La vérité mathématique passe par l'esthétique]. Quantitativement le calcul proportionnel se réalise par les fractions. [L'ensemble Q des nombres à quotient x/y].

Pourquoi avoir favorisé « les comptes étalonnés » contre « l'équilibre des proportions » ? Pour la division du même terrain en parcelles. Pour instituer l'ordre social par la souveraineté de celui qui octroie la parcelle. Se rapporter à 1, que seul, est une idéologie politique qui se généralise par la volonté d'établir un Empire (mésopotamien, égyptien) qui dure qui pour cette raison, après 3000 ans de polythéisme, s'est renforcé par l'intrusion de l'idée du monothéisme = la croyance sociale morale à 1 seul souverain divin = invisible, au-dessus du souverain humain, et, qui châtie, sic] ou s'équilibrer entre sois (l'arrangement contextuel au moment nécessaire) influence, voire forme les états d'esprit à percevoir le rythme du monde de 2 manières différentes.

1. Le monde libre (du courage) sans mesure ni battue où la pulsation de la vie ensemble est donnée par les différents battements des coeurs qui la composent. La perception intuitive des proportions suffit à différencier puis identifier ce qui est entendu et ce qui s'entend de la vastitude de l'espace et du temps.

2. Le monde de l'ordre (des peureux) (en ligne et droite, sic) est-ce l'idéologie qui apparaît avec la peur des courbes et des flux ? Le monde de l'ordre est un monde construit par la crainte. Le monde de l'ordre se forme d'1 seul régnant et de tous les autres soumis volontairement (toujours) à ce règne étalon : la suite des entiers « naturels » détournée (de sa fonction cardinale pour celle ordinale) forme le principe politique de la hiérarchie. La politique existe parce que la possibilité de dominer les autres par 1 seul existe.

3. Il existe une 3ème approche de la perception et l'émission du rythme : par la parole.
Et à l'intérieur de la parole différents rythmes la lient : le débit = l'allure, les brisures émotives du flux de la parole, le rythme donné par les mots, par la grammaire, le rythme de la langue différencié par ses sons et ses tons, etc. Le rythme, sa définition générale est, percevoir le temps des différences. Une similitude ne se perçoit pas, elle se reconnait. Le rythme de la répétition est une exception dans le champ gigantesque de la rythmique. La perception (= la compréhension) des sens des flux « qui bougent la vie ».

Le rythme est essentiellement une affaire de proportions.

La part temporelle de l'instant intuité (de l'intuition de l'instant) perçu du temps immédiat joué pendant la musique ; vouloir pouvoir savoir improviser (jouer l'instant) avec un instrument de musique (tout objet sonnant modulable), essentiellement avec les autres, donne à comprendre la langue sans mot sans son de la communication instantanée (celle communiquant à la vitesse sans retard —car sans attente de la réponse déjà sue— les volontés des musiciens de l'orchestre entre eux), rend difficile ou impossible pour les autres (qui ne pratiquent pas l'instantané) à comprendre l'intuition de l'instant du temps. Et + : son infinité interstitielle. Gaston Bachelard.

À l'opposé s'impose le temps politique de la durée mesurée à partir d'1 étalon régnant : le pied, le pas qui est le mètre. Du grec « metron » = mesure [le mot moderne a sa racine dans la mesure]. Metron qui donnera « métronome » : la mécanique qui oblige à l'allure constante de la battue régularisée, dont les compositeurs du XIXe siècle lui opposèrent le « rubato » : l'irrégularisation du metron. En latin metron signifiait la structure rythmique du vers des membres de l'ode, par le nombre de syllabes principalement. Ce que la musique savante écrite reprend à partir du XIe siècle. Le metron devient la mesure avec le nombre de coups dedans à répéter. 123 123... 1234 1234, les Bulgares vont jusqu'à 5, les Arabes jusqu'à 6, les Indiens au-delà de 20, etc., des points séparés par des « barres de mesure » (des barreaux pour enfermer le temps ponctué).

C'est la boucle répétée pour faire danser.

Le monde chrétien juge l'agitation être sauvage.

 

La multiplicité change-t-elle la perception imposée de l'unicité ?

L'introduction de la polyphonie au XIVe siècle par les compositeurs de l'Ars Nova change-t-elle l'idéologie instituée des quantités ?
L'indépendance des voix. Où 4 registres distincts (où les voix aigües des femmes étaient remplacées par des garçons prépubères) cheminent indépendamment leur mélodie (en points contre points) introduit dans la musique écrite une complexité chorale encore jamais entendue [qui a été simplifiée au XXe siècle par... ? volonté éditoriale ?]. Des distinctions grégoriennes à 3 durées : semi-brevis, brevis et longua, les compositeurs de l'Ars Nova multiplient les possibles de 3 à ... durées. Leurs structures rythmiques superposées forment une polyrythmie [dans le monde chrétien monothéisé. Sachant que ces compositeurs étaient des prêtres. La musique écrite en-temps —sous le texte latin — est une invention des prêtres du VIIIe siècle commandé par Charlemagne pour obtenir une seule langue dans son Empire]. Existait-il une ouverture d'esprit musicale en pleine période de l'Inquisition ?

 

Intellectuellement ne reste-t-il que la mesure sans la démesure ?
Comme la langue sociale mesure et se mesure par la morale par ce qu'il faut dire et ne pas dire ?

De la danse à la transe.

La musique similarisée, à répéter la même chose, revient à imposer sa danse et politiquement, sa doctrine aux autres qui l'obéissent. Quand elle ne donne pas à atteindre, par sa permanence sur plusieurs jours, le renversement des corps dans la transe. Pour atteindre cette transe, la musique n'est pas ce qui lui donne accès, mais l'état d'esprit ou la volonté des transeurs qui s'aident de la permanence identique du rythme en boucle de la musique. Pour ça, les psychotropes sont d'une grande aide, ils sont utilisés pour ça depuis « la nuit des temps » [?] pour parvenir par un état second à une autre réalité. Chamanité. La musique répétée obsessionnellement ne donne pas au danseur sa rentrée dans la transe = état de conscience modifié. L'état modifié de la conscience est donné par la volonté, aidé de psychotropes. À partir du Soma non identifié (vraiment ?) en usage courant authentifié de -3000 à l'aube de notre ère christianisée qui diabolisa tout ce qui desservait l'industrie de l'esclavage (dont toutes les religions monothéisées se sont fait les complices). La musique n'incite les danseurs qu'à danser. La musique ne provoque pas la modification de la conscience, mais l'accompagne.

 

Musique ou signalisation idéologique ?

L'écriture monorythmique d'une « phrase » (suite de tons endurés) musicale dans une partition ne signifie pas qu'il y a 1 seul rythme, mais que le rythme inscrit commande une seule figure quantifiée à identifier. C'est tout. L'écriture musicale est une schématisation simplifiée de ce que le résultat peut sonner **. En même temps, il est impossible d'écrire graphiquement ce que sonne la réalité polymorphique. Aucun humain ne pourrait jouer une telle partition graphique à cause de sa complexité infinie.

L'écriture quantique et l'écriture symbolique
En quoi l'écrit est-il utile à la musique ? Avec la réalité, le compositeur ne peut que schématiser (le plan est un schéma) pour « s'imager » (sic) comment ça pourrait sonner. La symbolisation de l'écriture, aussi tracée en points et traits, donne la possibilité de réunir des multiplicités dans un graphique simple. La quantification n'agit pas dans la symbolisation. C'est l'avantage du symbole qui relativise les quantités mesurées. Retour aux proportions ? Les variables en équilibre reprennent et redonnent les sens des flux du rhuthmos antique. Cette écriture musicale n'est pas encore courante au XXIe siècle, bien qu'elle soit un progrès remarquable par rapport à l'écriture quantifiante pour la musique.

 

Pour quoi tout ça ?

Le problème de la mesure étalon est qu'elle impose un seul état d'esprit avec une seule vision quantifiée unifiée de la réalité. Non seulement quantifiée dans l'union de l'indistiguable (le peuple esclave aux individus méprisés), mais aussi hiérarchisée. Hiérarchisation ordinale qui donne une vision faussée de la réalité et annihile la qualité de la multiplicité imprévisible du réel. [Si le réel était prévisible, il n'existerait pas]. Notre perception de la réalité est fondamentalement tributaire de notre état de conscience éduqué. Chaque état de conscience donne à percevoir les choses différemment et autrement (sans aborder la projection de notre état de conscience qui s'imprime dans la réalité perçue). Cette multiplicité perceptive possible est une qualité donnée pour pouvoir interagir avec la réalité perçue. La refuser et s'obliger à une hiérarchie ordinale de la réalité révèle une volonté anéantie par la terreur de vivre.

 

...

 

Notes

* L'idée de l'ordre naît instituée avec les 1ères cités-États 3000 ans avant notre ère. Et l'appropriation des terres de la Terre où les surfaces appropriées pour être distinguées les unes des autres doivent être évaluée par la mesure et localisées sur un plan, ça pour diviser (= partitionner) le même terrain (de la cité) en différents responsables de la surface octroyée par le souverain qui s'est auto élu avec l'approbation des esclaves capturés volontaires et enfermés = emmurés dans la cité. Les 1ères mesures et comptabilités nous parviennent avec l'écriture cunéiforme des Phéniciens. Cette écriture a été inventée d'abord pour compter ¹. Au XIe siècle avant notre ère, les Phéniciens étaient les marchands dominants en Méditerranée.

** L'exemple vécu que la notation n'est pas la musique.
Quand j'étais étudiant en composition, à observer les partitions des compositeurs du XXe siècle, je me suis dit, dans ma logique estudiantine, qu'il suffisait d'assembler un nombre de signes écrits sur le papier pour obtenir une composition musicale (à faire jouer par un ensemble). Cette croyance m'avait convaincu parce que règne l'excès de visualisation de l'audible. Qui en soi est paradoxal : voir pour entendre (sic) [dans ce cas, pourquoi ne pas entendre pour voir ? est l'un des chemins que j'ai pris]. Pour comprendre que la notation n'est pas la musique, il a fallu que j'interprète moi-même mes compositions en concert. Et +, que j'improvise avec des musiciens de talent. Là, j'ai compris qu'il existe un gouffre entre l'écrit et l'audible de la musique jouée entendue. Gouffre qui est gommé par la relation bijective immuable de la tradition, l'éducation et le conditionnement à la croyance disant : « c'est ainsi, et pas autrement » (sic).

Note de la Note

¹ Comment faisaient leurs prédécesseurs, les Indusiens, sans écriture ? Ils utilisaient des tampons à l'effigie symbolisée du vendeur marquant à la fois les marchandises, pour savoir leur provenance, et la transaction réalisée. Ils savaient certainement compter pour savoir combien de ça ou de ça l'acheteur voulait acheter, ne serait-ce que par le nombre de jarres livrées. La mesure à la jarre ?

 

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