les arts de la soumission

à l'autorité entretenue

 

 

Jusqu'où un être humain peut-il obéir à un ordre qui nuit à son prochain : à un ordre imbécile et révoltant qui lui est donné ? C'est à cette question que répond en 1963 l'expérience du professeur Stanley Milgram de l'Université de Yale. Et la réponse est impitoyable : plus de 60% des candidats obéissent à l'autorité jusqu'à assassiner un innocent. C'est-à-dire que plus de 60% des êtres humains se déresponsabilisent de leurs actes pour se réfugier dans le « confort » assassin de l'obéissance [1] où plus de 60% des êtres humains vivent sans se poser de question et se laissent volontairement manipuler. Pour un tyran, il n'y a qu'à se servir.

L'institutionnalisation est un processus de conditionnement de masse qui rend l'obéissance confortable. C'est sur le principe de la division de la tâche criminelle en plusieurs tâches banales qui ne provoquent aucun remords chez le fonctionnaire. La tâche banale irresponsabilise et brise le lien de la pensée entre la cause et l'effet de ce que le fonctionnaire fait et dont il est l'un des pions de la machinerie exécutoire de l'Etat : l'outil de sa terreur : de son pouvoir : de son autorité. Le fonctionnaire ne traite que des victimes (des individus inconnus) dont il n'a cure, grâce au pouvoir de son autorité protégée de l'Etat, de son désintéressement. Le désintéressement et la déresponsabilisation du fonctionnaire créent la tyrannie et la puissance de l'Etat.

Si l'employé soumis désobéit, c'est qu'il reconnait ses torts d'avoir obéit : et plus des deux tiers de la communauté préfèrent se réfugier dans l'obéissance confortable pour ne pas avoir à reconnaitre ses torts (de participer à la terreur). Reconnaitre ses torts est une épreuve intolérable pour l'individu. Nous avons dit ailleurs que la désobéissance était nécessaire au maintien du service public [2]. La désobéissance demande le courage de surmonter sa peur de l'autorité respectée et acceptée pour devenir soi-même responsable de ses actes. Un bel effort.

La peur de l'autorité s'entretient-elle par la violation possible de son confort (réduction à néant de ses acquis) et par l'humiliation possible de sa personne (torturée psychologiquement dans sa culpabilité falsifiée) ? Même pas : l'obéissance à l'autorité est un acte volontaire de la personne qui se soumet. Pourquoi ? Uniquement pour ne pas être rejeté par la communauté dominante (qui jouit de l'abondance et d'autorités et où chacun/ne en désire sa part qu'il/elle n'a pas). C'est une boucle alimentaire artificielle du besoin des autres.

Les fonctionnaires doivent être les petits tyrans du grand qui sans eux ne le serait pas. Les fonctionnaires sont les lâches nécessaires de la communauté du fait qu'ils ne se posent pas de question quant à ce que leur activité provoque à la communauté : c'est-à-dire généralement l'expression de la tyrannie : comme le viol de la vie privée, l'enlèvement d'enfants, l'endettement provoqué, les punitions instaurées par les interdits imposés par les lois, l'imposition d'identité, de nationalité pour le contrôle des déplacements, la protection des privilèges des gouvernants et tout abus provocant les inégalités sociales, « raciales », les persécutions, les humiliations, les tortures, les meurtres, les recherches « scientifiques » pour l'armement de destruction des autres, etc. Il existe un nombre invraisemblable d'activités inutiles à la communauté, mais nécessaires à la tyrannie. La misère est un des résultats de la souveraineté autoritaire. La misère n'est que le résultat de l'humiliation infligée par la tyrannie de l'institution de l'Etat souverain qui protège les intérêts de ses gouvernants. Sans pauvres, ils ne peuvent pas être riches et les pauvres forment le peuple d'humains à gouverner et à manipuler.

L'argent n'est pas le moteur de la soumission (le salaire) : si le servile obéit à une autorité c'est qu'il la respecte et qu'il l'accepte, et par son acte d'obéissance la provoque et la soutien : un tyran isolé ne peut rien, il a besoin de la soumission des autres pour exécuter sa tyrannie. Le salaire ne sert qu'à enchaîner le salarié à sa tâche banale dont il se convainc de sa nécessité pour soi puis éventuellement pour la communauté. Le salaire est un asservissement supplémentaire qui force le remboursement par son travail (sa présence obligatoire aux horaires imposés). Les premiers prétextes invoqués par ses travailleurs de l'Etat pour légitimer leurs activités sont la « sécurité » et le « bien » public des citoyens. Le bien de la communauté contre le bien individuel : où l'individu n'a aucun recours contre les lois absurdes « pour le bien de la communauté ». C'est une force de dissuasion implacable que d'avancer la « nécessité pour la communauté contre l'individu désobéissant qui nuit à cette communauté par son désir égoïste » (sic). L'individu ne peut pas résister : il doit obéir pour le « bien » de la communauté. Ce « bien de la communauté » qui n'est affiché que pour dissimuler la protection des privilèges et des intérêts privés des parasites gouvernants [3]. Que beaucoup refusent de voir. Cette obéissance absurde est bien sûr tout à fait brisable, il suffit d'en prendre la responsabilité. Sans effort.

Nous vivons dans une tyrannie au visage aimable, celle dont les résistants ne peuvent plus se défendre qu'en ayant l'image de l'hostilité ou de la méchanceté aux vues du public conditionné. C'est une première dans notre histoire occidentale de la tyrannie où les « méchants » tyrans sont les gentils et les gentils résistants sont les « méchants terroristes dangereux ».

Un/e artiste de par son activité artistique de création, ne peut pas être soumis/e à une quelconque autorité. C'est par sa désobéissance aux dogmes qu'il/elle crée une oeuvre originale. Le paradoxe aujourd'hui est que les artistes se soumettent à l'autorité institutionnelle : par l'offre de positions sociales confortables, par le financement étatique des arts (dans la continuation des politiques de charité du maintien de la pauvreté) et par les droits d'auteurs propriétaires. En acceptant ces conditions, les artistes soutiennent : la rentabilisation de leurs oeuvres, interdisant leurs accès libres, qui interdit la culture et la connaissance, le contrôle idéologique de leurs oeuvres (censure), le faux bénéfice économique approuvée de leurs créations (en fait des dévidoirs aux surplus monétaires), et leur intégration dans la discipline concentrationnaire de notre société obéissante (propagande de l'idéologie souveraine). Ces artistes médiatisés par les quelques monopoles oligarchiques sont les agents de la destruction des arts en étant les ouvriers de la propagande de l'insignifiance pour le confort de leur obéissance. Les artistes vus d'aujourd'hui ne sont pas et ne peuvent pas être des artistes puisqu'ils obéissent et se soumettent à l'autorité [4].

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Notes
[1] le film d'Henri Verneuil « I comme Icare » (1979) met en scène cette expérience du professeur Stanley Milgram. Les expériences sur la soumission à l'autorité furent effectuées entre 1960 et 1963 à l'Université de Yale (New Haven, USA) par le professeur Stanley Milgram et ses recherches sont publiées en français sous le titre « Soumission à l'autorité » (édition Calman-Levy, 1974). Ici les paroles du film de cette expérience.
[2] voir Le Journal Vigilant d'Exemples Médiocratiques en février 2010.
[3] voir Le Journal Vigilant d'Exemples Médiocratiques en mai 2010, le robot 10 du masque africain parlant et le film « les Parasites Gouvernants » de l'auteur de ces lignes à TVbruits.
[4] en bonus, voici l'échange entre deux hommes libres, dont l'un recommande à l'autre la prudence.

 

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