Partition et improvisation / complot (de pelote) et attentat (de à tenter)
LE PLAN **
Au sens de projet (du latin « porro » : puer au loin et jet *) planifié, de préparer un coup, d'ourdir, date de 1627. Le projet s'oppose à la réalisation à la concrétisation au faire, disent les dictionnaires : « idée qu'on met en avant, plan proposé pour réaliser cette idée ». Préparer le terrain, le rendre favorable à l'action : le modeler, l'urbaniser, le sécuriser pour ne pas être blessé et tué. Le plan fait référence à l'écriture sur papier de la synchronicité des actions à des localisations différentes : une stratégie d'attaque militaire qui dans l'histoire du mot vient après le plan d'évasion du bagne et de la prison.
Pour illustrer la différence entre partition de musique et improvisation musicale, citons le Joker dans Batman quand il explique le sens de ses actes (extrait de : Batman, the dark knight, Harvey à l'hôpital la moitié du visage brûlé reçoit la visite du Joker, joué par l'excellent comédien Heath Ledger) :
Le Joker - Salut... Tu sais... Je ne voudrais pas qu'il y est de mésentente entre nous Harvey... Quand toi et heu... Ra
Harvey - (hurlant) Rachel
Le Joker - ... Rachel étiez kidnappés, j'étais en prison, je n'avais pas le détonateur.
Harvey - Tes hommes ton plan.
Le Joker - Est-ce que je ressemble vraiment à un mec avec un plan ? Tu sais ce que je suis ? Je suis un chien qui pourchasse des voitures. Je ne sais pas ce que je ferais si j'en attrapais une ! Tu sais. Je ne fais que faire, je fais des choses. La pègre a des plans. Les flics ont des plans. Gordon a des plans. Tu sais. Ce sont des comploteurs. Des comploteurs qui essayent de dominer leur petit monde. Je ne suis pas un comploteur. J'essaye de montrer aux comploteurs combien ils sont pitoyables à tenter de dominer les choses telles qu'elles sont en réalité. Alors quand je dis, que pour toi et ta copine, il n'y a rien de personnel, tu sais que je dis vrai... Ce sont les comploteurs qui t'ont mis dans cet état. Toi aussi t'étais un comploteur, tu as eu tes plans et regarde comment ils t'ont arrangé... Je t'ai servi ce que je fais de mieux. J'ai pris un plan, je l'ai inversé. Regarde ce que j'ai fait de cette ville avec quelques bidons d'essence et quelques balles. Hum ? Tu sais ce que j'ai remarqué ? Personne ne panique quand tout se déroule suivant le plan. Même si le plan est effroyable. Si demain, j'informe la presse qu'un tueur (banger) d'un gang se fera tuer ou qu'un camion plein de soldats se fera exploser : personne ne panique. Parce que tout ça fait partie du plan (social). Mais si je dis qu'un malheureux petit maire va mourir, ils perdent tous la tête, c'est l'affolement général. Injecte un peu d'anarchie (d'autonomie), bouscule l'ordre établi (planifié) et tout devient chaos (incompréhensible). Je suis un agent du chaos. Et tu sais le truc à propos du chaos ? c'est impartial, ça rapporte, ça transporte (bear) (il file son flingue à Harvey).
Harvey - (Pile) tu vis (face) tu meurs.
Le Joker - Là, ça devient intéressant.
[trad. M.S.] le passage audio en vo [mp3 2.88Mo] Entre la fadeur et l'excitation tu choisis quoi ?
Le Joker (le scénariste) aurait pu ajouter (mais le film ne serait pas passé) : "God has a plan (belief made by people) inaccessible to people" (= « les voies impénétrables du Seigneur » sic) est le Plan Ultime auquel s'accroche la panique des êtres humains terrifiés à l'idée de vivre et de mourir (sachant que l'une n'existe pas sans l'autre). Est la raison de l'imagination humaine d'un Artiste Unique (paternel, paternaliste) responsable de la vie (des hommes) auquel les croyants prient d'être épargnés (« sauvés » sic, mais de quoi ?). Oui, on entend là, quelque chose d'insensé...
Concevoir un plan, correspond à concevoir une partition de musique (comme un projet architectural/urbain). La partition de musique est (considérée comme) une prédiction du sublime répétable (d'où l'aura d'admiration pour le compositeur classique, mais la réalité du compositeur vivant est tout autre). Faire les choses au hasard des évènements, correspond à l'improvisation (n'est pas digne du compositeur qui a tout prévu dans sa partition). Et n'a aucune valeur morale dans une société qui archive son passé écrit pour le relire. Pourtant l'intelligence se révèle + dans des situations inattendues à pouvoir s'en dépêtrer. Dans une situation prévue, il n'y a rien à résoudre. Dans ce film, l'improvisation est diabolisée, car ce qui amuse le Joker, c'est de créer la panique (contrarier leur plan moral et piquer leur fric qu'ils chérissent tant pour acheter l'obéissance des esclaves). Pour créer la panique, il faut que la vie routinière des gens esclaves soit exceptionnellement sans surprise et fade, mêlée d'une paranoïa aigüe de pouvoir être exposée à un danger imminent en permanence (où danger est confondu avec l'imminence de mourir dans la souffrance et non d'être vivant sans pouvoir -vivre- (faire) par soi-même = d'être dominé). Ce qui dans la réalité, n'est pas uniformisable, même s'il le paraît. Le peuple est une idée, pas une réalité. Bien que les sociétés, les nations avec les architectes vendus au pouvoir forcent vers l'uniformisation par la dictature pour l'obéissance avec l'aide de la police : tout pareil (copier-coller) est plus facile à planifier que tout différent. La différence cultive l'intelligence et le similaire la bêtise (la copie). A quoi sert de cultiver la bêtise ? La bêtise est gouvernable, l'intelligence ne l'est pas. Dans une société non paranoïaque, non terrorisée (pas comme l'américaine qui atteint des sommets), l'improvisation crée la surprise (pas la souffrance éternelle crue de la mort chrétienne du châtiment en enfer). Et, qui n'aime pas les surprises ? Le cadeau inattendu qui fait plaisir ? en réalité : personne. Le pouvoir est une maladie tellement démente ! pour soumettre une telle quantité de personnes à la croyance par la force (menace de souffrance) à des bêtises et les manipuler par des mensonges tellement grossiers.
Ce qui est gênant, est de mêler la musique à ça. Il existe bien une musique soumise à l'armée (la marche militaire d'encouragement), l'autre au marché (pas la marche mais la finance). Croire au plan surnaturel de la musique écrite relève de la bêtise. La beauté d'une musique se réalise par tâtonnements et prend du temps : ce qui permet de comprendre pourquoi la musique savante du présent est incomprise (si « il a fallu 200 ans pour apprécier la musique de Bach ou de Mozart » est une réalité et un mensonge propre à notre temps qui renie la musique savante vivante). La remarque du Joker que même « effroyable » un plan normalisé (moralisé) reste acceptable (même s'il est amoral) et s'il n'est pas normal, génère la panique. Sachant que le Joker se réjouit d'attentats (terme juridique de tentations à tenter du latin « attentatum », « d'entreprendre quelque chose contre des personnes », un acte qui heurte un principe et non, être attaqué du latin « attentatus »). Après, dans cette scène du film, le Joker mélange 2 notions qui ne vont pas dans le même sens : chaos (état de confusion venant du vide et du manque : de l'incompréhension) et anarchie (état politique sans commandement ni chef) ***. C'est cette assimilation qui rend la morale du film « politiquement correcte » : « le chaos social est dû à l'anarchie injectée » est une pensée de dominant (pas de dominé) pour sauvegarder l'obéissance des dominés à le servir et lui payer par leur travail obligé, sa rente pour son oisiveté. Que la musique soit mêlée à ça, me gêne. La musique écrite synchronisée à l'horloge mécanique (le métronome) représente cette écriture de l'Ordre (anti chaos et anarchie redouté) d'un plan moral préétabli. En réalité, la partition est déjà écrite, et le compositeur doit uniquement recopier : phénomène généralisé dans la musique de film (seul réseau qui paye les compositeurs pour leur travail de copiste). Ce que soulève le Joker, est la banalisation de la bêtise dans nos sociétés humaines et qui l'amuse à provoquer des catastrophes tant redoutées de tous qui complotent **** : les politiques, la pègre, les polices et les esclaves.
Ecrire la musique originale est une improvisation en fonction du contexte donné, sinon c'est une convention. Si le compositeur respecte les musiciens avec lesquels il travaille (des humains libres), la composition devient une proposition qui est interprétée dans la limite des possibles. L'ancienne vision des musiciens-soldats exécutant (qui reproduisent les ordres exactement = musique déterministe, est un idéal obsolète, voire une illusion) qui se perpétue dans la musique classique des compositeurs morts (et avec l'ordinateur « slave » exécuteur). L'écriture aujourd'hui sert plus à se rendre compte ce que l'oralité ne peut pas (et vice versa) et donner une « vision », une entente au-delà du plan.
Notes
* Ce n'est pas dit dans les dictionnaires étymologiques ni historiques, mais la puanteur et le jet, fait penser indubitablement au marécage puant à traverser ; on jette des pierres et des bâtons pour voir jusqu'où ça s'enfonce et si on peut traverser à pied à cheval avec la charrue ou pas les marais.
** Ce second sens de Plan (plant de planter du latin « plantare » : tasser la terre avec les pieds) est lié à la prison, Villon était en plant, en prison, immobilisé comme une plante, d'où vient aussi la planque. Au bagne, le plan est la boite cylindrique que cache le prisonnier dans son cul (dissimulé dans le rectum) de son projet d'évasion. Tirer des plans (1821) vient de l'argot du bagne pour s'évader. La tactique militaire est venue après. Plan est lié à la terre par planté qui se retrouve dans les fondations de ce qui est édifié puis glisse vers le graphisme : « dessin directeur de l'implantation d'un édifice, d'une ville » dans la perspective (1545). Attiré par l'autre sens de plan qui est introduit à la Renaissance pour une surface du latin « planus » : plat.
*** son attachement au « désordre public par manque d'autorité » date de la Renaissance pour désigner l'indignation populaire des abus d'autorité pour le prélèvement des impôts. Puis au soulèvement populaire au XVIIIe de 1789 et au-delà qui se retrouve encore dans l'adjectif : anarchique. L'anarchiste ne va jamais assimiler anarchie et chaos. Un soulèvement populaire n'est pas une anarchie : c'est une révolte. Le régime politique anarchiste se trouve dans les campagnes sans être nommé, là où il n'y a pas de chef, on vit quand même. Voire mieux, car « personne ne me dit ce que je dois faire de ma vie ». L'anarchie n'est pas l'action terroriste, mais est le régime politique de la liberté et de l'intelligence.
**** Le projet secret (complot) pour attenter (attentat) ne peut pas surprendre, car contrairement à l'improvisation, il est prévu et donc dévoilable. |